Accueil du site - Publications - Presse - Accidents du travail : des salariés sous pression

L’atelier de recherche sociologique de l’UBO tient un symposium, sur deux jours, consacré à la santé au travail qui se termine ce soir, à la Faculté Ségalen. Hier, l’un des intervenants a évoqué les enjeux de l’arrêt de travail, à partir d’une quarantaine d’entretiens avec des victimes d’accidents du travail.

« Certaines idées reçues se sont révélées fausses. Ainsi, les gens ne s'arrêtent pas forcément quand ils ont un accident. Un rapport de force s'instaure souvent entre le salarié et la petite hiérarchie. L'exemple le plus marquant est celui de cette femme qui travaillait dans l'agroalimentaire en Bretagne. Elle venait de se couper profondément un doigt, mais son chef l'a obligée à rester à son poste de travail. Ses collègues lui conseillaient de partir se faire soigner, mais trop tard, arrivée à l'hôpital, elle avait perdu son doigt », explique un intervenant, sociologue & préventeur dans une coopérative : Socialconseil à Cachan (Val-de-Marne).

Des métiers sélectionnés

L'équipe comprend un médecin du travail, deux ergonomes et deux sociologues qui interviennent sur des missions à la demande des CHS-CT, mais réalisent aussi des recherches sur le terrain, par exemple sur le harcèlement moral à l'Opéra de Paris. Quarante entretiens ont été menés, le choix s'est opéré à partir des questionnaires sur les accidents du travail de l'étude menée en 1998 par la Dares (1). Le sociologue a sélectionné des métiers dits à risque ou nouveaux pour lesquels les règles sont encore imprécises. « Beaucoup d'accidents ne sont pas déclarés et lorsqu'il y a arrêt de travail, le temps d'arrêt est souvent plus faible que celui de la prescription du médecin. Cela tient à la fois au rapport de force entre le salarié et sa hiérarchie, et à un processus plus complexe entre l'individu et le collectif avec lequel il travaille. S'arrêter cela signifie reporter la charge de travail sur les autres, surtout dans les organisations où la production est tendue ». Pour analyser plus finement les 40 dossiers, le sociologue a recoupé les atteintes à l'intégrité physique, à la dignité ou l'hypersollicitation relatées par les personnes avec la politique de prévention développée dans l'entreprise.

Le plus terrible : être femme dans l'agroalimentaire

« La situation la plus terrible est celle des femmes travaillant dans les industries agroalimentaires, nous l'avons constaté au travers de cinq entretiens avec des salariées bretonnes. C'est là que les menaces ou les refus de déclaration ou d'arrêt de travail sont les plus nombreux, de même que les atteintes à l'intégrité physique ou à la dignité ». Dans les grandes entreprises bien structurées, avec des CHS-CT et une infirmière sur place les non-déclarations sont plus rares. « En revanche, l'absence de déclaration de l'accident serait plutôt la règle sur les chantiers, dans les services nouveaux comme les coursiers ou les gardiens, et dans l'agroalimentaire ». Ce symposium ouvert aux chercheurs, experts de la CRAM, de la médecine du travail, syndicalistes, accueillait aussi les 25 étudiants du tout nouveau DESS direction des interventions sociales et de santé « vieillissements et handicaps ». (1) Institut statistique du ministère du Travail. Catherine Le Guen Copyright © Le Telegramme 04/10/2002